Photo Xavier Léoty
Aussi biscornue et encombrée que l'esprit de son illustre hôte, la demeure de Pierre Loti n'a
évidemment pas été conçue pour être un jour reconvertie en usine à touristes.
Ainsi, alors que plus de 50 000 visiteurs foulaient encore le précieux sol du musée à la fin des années 90,
les gardiens du temple ont depuis diminué de moitié le nombre de ces privilégiés. Un cautère sur une jambe de bois, hélas, puisque les experts
actuellement à son chevet préconiseront vraisemblablement la fermeture - provisoire - du site.
Plus encore que le pont transbordeur, le numéro 141 de la rue Pierre-Loti est donc le véritable chef-d'œuvre rochefortais en péril,
même si Jean-Luc Parouty, le directeur des affaires culturelles de la ville, en annonce le sauvetage.
« Sud Ouest ». Si la maison ne menace pas ruine, il faut en urgence l'ausculter de fond en comble ?
Jean-Luc Parouty. Oui, car nous devons très vite vérifier l'état des collections afin d'enrayer la dégradation.
Qu'il s'agisse des tapisseries, du bois, des tissus ou des milliers d'objets, la maison subit d'autant plus les outrages du temps
que 25 000 personnes y passent chaque année avec leurs microbes, leur chaleur et leurs petites bébêtes sous les chaussures.
Les experts de l'agence Futur Antérieur sont chargés de ce diagnostic et, surtout, de trouver les meilleurs remèdes.
Et comme Loti avait l'habitude de ramener des choses du monde entier,
il est probable que nous soyons contraints d'aller retrouver hors de nos frontières ces savoir-faire.
Ensuite, une seconde étude devra aussi déterminer l'état du bâtiment.
Loti y a apporté tellement de modifications que le poids qui pèse sur la structure est monstrueux.
Outre des visites limitées, le futur chantier de rénovation risque donc d'entraîner la fermeture du musée ?
Le temps des travaux, sans doute, oui. Quant aux visites, nous sommes déjà à la limite supérieure de ce que peut supporter cette maison,
d'ailleurs plusieurs pièces sont déjà interdites au public.
Pour autant, personne ne sait encore quelle sera l'ampleur de ce chantier, notamment pour des raisons financières.
La maison est classée monument historique mais l'État ne payera pas seul la facture ?
Les négociations sont permanentes mais nous avons aussi évoqué l'hypothèse de mécènes avec le ministère.
Car si Loti fleure un peu le « Lagarde et Michard », il conserve une stature internationale qui peut séduire des investisseurs privés.
Et, s'il n'existe pas beaucoup de maisons d'écrivains, il y en a encore moins qui affichent une telle extravagance.
Ce qui est sûr, en revanche, c'est que cela coûtera cher.
À la manière de la réplique de la grotte de Lascaux, certains suggèrent la construction d'une maison Loti II…
Elle coûterait sans doute aussi cher que la rénovation et ferait perdre tout son cachet au lieu.
Si le public aime cette maison, c'est parce qu'elle est imprégnée par Loti et toutes les personnalités qui l'ont fréquentée.
Pourquoi, alors que vous avez déjà tant à faire, la Ville a-t-elle racheté la maison voisine ?
Déjà pour régler le problème de l'accueil des handicapés, mais surtout peut-être pour créer un centre d'interprétation
que nous ne pouvons justement pas faire dans la maison de l'écrivain.
Et nous discutons en parallèle avec l'héritière de Loti pour ne pas que le reste du patrimoine soit dispersé.
Cette fouille curieuse peut-elle au moins révéler quelque trésor caché ?
Dans la masse d'objets que conservait Loti, certaines petites choses comme des photos ou des courriers peuvent en effet nous avoir échappé.
En préparant son exposition en 2004, le plasticien Jean-Michel Othoniel était bien tombé sur de mystérieux paquets emmaillotés
qu'il avait fallu passer au scanner pour découvrir le contenu… en l'occurrence des squelettes de chats !
La municipalité a confirmé, hier, avoir levé l'arrêté de péril imminent concernant depuis mercredi dernier le pont transbordeur.
La reprise de tension du tirant (câble) du pont a été effectuée par une entreprise spécialisée, mandatée par la Direction des affaires culturelles.
Dès la réception du rapport d'expertise, l'arrêté de péril imminent a été remplacé par un arrêté de péril ordinaire.
Tous les riverains ont donc pu réintégrer leur domicile au cours du week-end de Pâques.
Sud Ouest 7 avril 2010 | Par sylvain cottin |
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