Intervention de David Bodin lors de l’Assemblée Générale de l’Association des Amis de la Maison de Pierre Loti

 

14 avril 2012

 

Point sur le projet de rénovation

 

 

Le projet de rénovation de la Maison de Pierre Loti fait l’objet d’une inscription au Plan Musée en Région lancé par le Ministère de la Culture et de la Communication pour les années 2011-2013. C’est un dispositif qui vise à aider financièrement environ 70 musées de France[1] ayant un projet de rénovation en cours. La Ville de Rochefort bénéficie également du soutien des Monuments Historiques car la maison, la cour et le jardin sont classés depuis le 7 mai 1990.

 

La fermeture au public est prévue le 1er octobre prochain. Nous entrons donc dans une nouvelle dynamique qui est celle de la restauration des collections et de la préparation des futurs travaux de rénovation du site qui implique également une nouvelle organisation du travail.

 

Je vous propose donc dans un premier temps de détailler les études préalables qui s’inscrivent dans le projet de rénovation, puis j’évoquerai le travail scientifique que nous menons parallèlement et enfin je détaillerai les actions que nous souhaitons mettre en œuvre après la fermeture au public de la maison.

 

 

1-      Les études préalables aux travaux de rénovation :

 

Il faut bien comprendre que malgré la fermeture au public en automne, les travaux sont loin d’être imminents. Nous devons auparavant finaliser un certain nombre d’études afin justement d’appréhender l’ampleur des travaux à réaliser.

 

-          l’étude sur les collections :

cette étude a déjà été menée par le cabinet Futur Antérieur en 2009-2010 et a rassemblé 8 spécialistes :

-          une spécialiste de la conservation préventive : c'est-à-dire la gestion au quotidien des œuvres et des objets d’art

-          une spécialiste des œuvres sculptées

-          une restauratrice de peintures

-          une restauratrice des textiles

-          une restauratrice des œuvres graphiques

-          une restauratrice d’objets d’ethnographie et de spécimens naturalisés

-          un restaurateur d’objets ethnographiques - spécialiste de la désinfestation des collections

-          un expert en systèmes informatisés : gestion des espaces réserves, stockage et transport des œuvres.

 

Elle nous a permis d’avoir un bilan sanitaire précis de l’ensemble des collections présentes dans la maison, mais également de définir des préconisations de restauration et un programme d’intervention.

A partir des conclusions de l’étude, nous avons maintenant également des préconisations sur l’organisation du « chantier des collections » et les besoins humains et matériels, nécessaires à sa mise en œuvre.

Et enfin, nous disposons aussi aujourd’hui de préconisations en terme de conservation des collections dans le futur musée.

 

Le bilan sanitaire des collections rendu dans le cadre de cette étude a porté sur plus de 300 œuvres ou objets exposés (sur les 900 recensés dans le musée) et sur les ensembles d’œuvres qui ne sont pas exposés au public dans la maison ou qui sont en réserve.

 

Les conclusions sont loin d’être rassurantes, comme le prouve cet extrait du bilan final :

« L’état de conservation général des collections exposées dans la Maison de Pierre Loti est loin d’être brillant. Nombre d’objets ont déjà subi des dégradations irréversibles : c’est le cas d’une grande partie des textiles et tapisseries, des photographies et des documents graphiques originaux, des meubles et objets en bois, attaqués par les insectes… sans parler encore des papiers peints ou des spécimens d’histoire naturelle, qui ont dû être mis à l’abri dans les réserves extérieures au musée.

Si les objets métalliques semblent avoir mieux résisté, il ne faut pas oublier que des pratiques d’entretien inappropriées ont sans doute laissé des traces sur l’apparence actuelle de bon nombre de pièces. La présence du public dans les conditions actuelles de visite constitue aussi un facteur de risque qui ne peut que réduire l’espérance de conservation des collections.

Certes, il n’est pas trop tard pour pouvoir mettre en chantier la mise en conservation des bâtiments et des collections ; mais il est sans aucun doute trop tard pour pouvoir se permettre de ne pas entreprendre rapidement les actions qui s’imposent. »

 

Bilan relativement négatif donc et qui justifie la fermeture au public et le lancement du projet de rénovation.

 

-          le relevé 3D : réalisé en 2011

A la maison d’origine de la famille Viaud (n° 141 de la rue Pierre Loti), ont été ajoutées la maison mitoyenne achetée par Loti en 1895 (n° 139), celle de son secrétaire (n° 143), transformée en espace d’accueil et cafétéria et une partie du rez-de-chaussée de la maison voisine (n° 145).

De plus en 2009, la Ville a réalisé l’acquisition de la maison mitoyenne (n° 137) afin d’accueillir le centre d’interprétation prévu dans le futur musée.

Nous ne disposions avant ce relevé d’aucun plan ou relevé précis de ces différents bâtiments composant la Maison de Pierre Loti. Un relevé topographique précis ainsi qu’une maquette numérique 3D répond maintenant à cette lacune et va permettre de nourrir l’étude de diagnostic du bâti que nous lançons cette année également.

 

[cliché 1 : légende : prise de vue panoramique de la mosquée effectuée dans le cadre du relevé en 3 dimensions des espaces]

 

 

-          l’étude de diagnostic du bâti :

Le prestataire pour mener cette étude vient d’être choisi suite à l’appel d’offre qui a été lancé fin 2011. Le cabinet d’architecte retenu (cabinet Algrin) doit mener une étude en 2 phases (de 4 mois chacune environ).

Il s’agit lors de la première phase, d’effectuer un diagnostic précis de l’état structurel des différents bâtiments qui composent le musée. La phase deux, quant à elle, est un complément de diagnostic et doit apporter des éléments de réponse sous forme de préconisations et/ou d’orientations sur les thèmes suivants : la désinfestation des bâtiments, les travaux de clos et de couvert pour la mise hors d’eau et la restauration des toitures, des façades et des menuiseries,  la consolidation intérieure des structures, l’amélioration des conditions climatiques, la mise aux normes des installations électriques et de sécurité incendie, l’amélioration des conditions d’éclairement et d’éclairage, l’amélioration de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite, la restauration des décors « immeubles par destination », l’organisation du chantier du bâtiment en parallèle avec le chantier des collections et bien évidemment le chiffrage des futurs travaux.

La première phase débute dès maintenant.

 

[cliché 2 : légende : détail d’un des murs de la chambre aux abeilles montrant les problèmes de structures de la maison]

 

 

 

2-      Le travail scientifique

 

Parallèlement aux études préalables, nous menons depuis 2008-2009, un travail scientifique dont l’un des volets importants est l’écriture du Projet Scientifique et Culturel (PSC) et l’étude des collections.

En effet dans le cadre d’une rénovation de musée, l’Etat impose aux musées labélisés « Musées de France », la définition d’un PSC. C’est un document de projet, fixant pour 3 à 5 ans les priorités et les objectifs du futur établissement, en terme de bâtiment, de collections et de publics et à partir d’un bilan précis de l’existant. Il a également pour but de situer le musée dans son environnement (culturel, social, économique). Il s’agit en fait de « penser » le futur musée. C’est toute l’équipe du musée qui doit, sous la responsabilité du chef d’établissement, réfléchir et travailler à son élaboration.

De plus et comme c’est souvent le cas lors d’un projet de rénovation d’un musée, un comité scientifique a été crée en 2009 afin de nourrir la rédaction de ce document.

Nous sommes aujourd’hui dans la finalisation de l’écriture de ce projet. Un des axes importants de ce PSC et du futur musée, est la création du centre d’interprétation que nous imaginons dans la maison mitoyenne au musée achetée par la Ville en 2009 (n° 137), en complément des espaces de visite actuels.

C’est un des axes forts du futur musée, mais nous réfléchissons également au circuit de visite, à l’accueil des visiteurs, à l’ensemble des fonctions que doit développer l’établissement une fois rénové. Tout cela doit être décrit dans le cadre du PSC en lien étroit avec l’étude des collections devant apporter du contenu au discours. En effet, beaucoup d’œuvres ou d’objets du musée ne sont pas encore étudiés de façon précise. Nous avons des recherches à réaliser, avec l’aide de spécialistes, sur un certain nombre de pièces. C’est le cas notamment pour les textiles, les armes, les uniformes ou encore les photographies par exemple qui suscitent beaucoup d’interrogations quant à leur provenance, leur datation, leur fonction parfois même pour certains objets. Pierre Loti ne nous ayant laissé pratiquement aucune information précise sur les objets ou les œuvres qu’il rapportait de ses voyages ou qu’il achetait.

 

La restauration des collections est également une partie importante du travail scientifique que nous réalisons. Suite au chantier-école de l’Institut National du Patrimoine qui s’est déroulé en juillet 2011 et qui a consisté à enlever l’ensemble des œuvres et objets présents dans le salon turc, la chambre arabe et le bureau de Gustave (Cf l' article de  mars 2012 en page " vie de l'association " du site ) nous avons lancé une 1er tranche de restauration des textiles qui représente certainement la collection la plus important en terme du nombre de pièces et de la rareté de certaines (tissus ottomans du 17ième ou 18ième siècle par exemple). Une partie de ces restaurations est financée dans le cadre du Plan Musées en Région de l’Etat 2011-2013.

Ce premier marché de restauration concerne précisément 55 pièces de tissu en tout genre : coussins, tentures, soierie, hors tapis. C’est l’atelier de restauration spécialisé Chevalier Conservation basé à Colombes qui a remporté l’appel d’offres et qui a déjà commencé les restaurations depuis le mois de janvier. Ces dernières s’étaleront sur toute l’année 2012.

Une deuxième tranche de restauration des textiles devrait débuter à la fin de l’année 2012, toujours dans le cadre d’un financement croisé dans le cadre du Plan Musée en Région.

 

[cliché 3 et 4: légende : le salon turc avant et après la dépose des collections]

 

 

 

Nous allons donc petit à petit déménager les collections présentes dans le musée afin de les envoyer en restauration ou de les stocker dans de meilleures conditions le temps de la fermeture du site. C’est ce que l’on appelle dans notre jargon le « chantier des collections ». Cela consiste à déposer les œuvres et les objets, à en faire un constat d’état précis, à effectuer un dépoussiérage ou un traitement léger de restauration si besoin, à en réaliser des photographies et à les emballer dans les meilleures conditions possibles pour leur transfert en réserves. C’est une opération longue, délicate et qui demande des moyens matériels et humains conséquents. Nous pensons entamer ce travail dès fin 2012, début 2013.

Et comme nous avons, comme tous les musées de France, l’obligation légale imposée par le Ministère de la Culture de vérifier l’inventaire précis de nos musées avant juin 2014, ce chantier sera aussi l’occasion de ce travail de vérification que l’on appelle le récolement décennal des collections.

Mais pour enlever les collections de la maison, encore faut-il disposer d’un lieu de stockage adéquat. Nous avons la chance d’avoir des réserves externes aux musées, en capacité d’accueillir l’ensemble des collections déposées mais à condition de les réaménager et de compléter le mobilier. C’est une opération que nous avons menée en octobre-novembre 2011 (financée également en partie dans le cadre du Plan Musées en Région de l’Etat).

 

[cliché 5: légende : les réserves des musées municipaux réaménagées en 2011]

 

 

3-      Après la fermeture au public

 

Suite à la fermeture au public de la maison, nous souhaitons que l’Hôtel Hèbre de Saint-Clément devienne le lieu de valorisation des collections de la Maison de Pierre Loti et aussi du projet de rénovation par le biais d’expositions temporaires ou semi-permanentes.

Une première exposition autour de Pierre Loti sera donc proposée dès la fin de l’année 2012 puis début 2013 une exposition d’envergure ayant pour thématique les photographies réalisées par l’écrivain sera présentée. Elle accompagnera la publication par Bruno Vercier et Alain Quella-Villéger de l’ouvrage « Pierre Loti photographe » aux éditions Bleu Autour.

 

Nous souhaitons ensuite proposer aux visiteurs, aux touristes mais aussi aux Rochefortais une exposition  permanente ou semi-permanente sur la thématique de la maison, des décors réalisés par Loti mais évoquant aussi le personnage, présentant des pièces restaurées. Exposition qui serait finalement une préfiguration du centre d’interprétation que nous imaginons dans le futur musée déjà évoqué.

 

Des actions « hors les murs » sont également prévues comme les parcours Loti organisés conjointement avec le service du Patrimoine de la Ville (visites à pied et en bus).

Ces parcours illustrent notre volonté de faire « vivre » le musée hors les murs dès à présent, en amont de la fermeture au public et s’intègrent dans les actions communes que nous mettons régulièrement en place avec le service du Patrimoine.

Nous proposons donc au public dès le mois d’avril, deux parcours à pied d’une durée d’une heure trente et dont le principe est d’associer un guide conférencier et une comédienne qui fait des lectures :

-          « Loti dans la ville » visite qui revient sur les lieux rochefortais qui ont marqué l’écrivain de son enfance aux premiers voyages.

-          « Pierre Loti, le marin écrivain », visite axée sur la carrière de Loti dans la Marine et son engagement pour la défense du port de Rochefort.

Un parcours en bus intitulé « Naissance de l’esprit voyageur » est également proposé au public cette année et emmène les visiteurs vers des lieux chers à l’écrivain comme La Limoise à Echillais, St-Porchaire, ou encore le Château de la Roche-Courbon[2].

 

Les technologies de l’information et de la communication sont aussi au centre des actions envisagées pour pallier la fermeture au public du musée.

En effet, le tournage d’un nouveau documentaire sur l’écrivain et son œuvre par la société Anekdota Production est prévu en novembre 2012. La réalisation d’une plateforme web interactive devrait permettre de faire vivre le documentaire dans le temps. L’idée étant de créer un site web associant les nouveaux modes de communication que sont les réseaux sociaux comme Facebook ou Twiter autour de l’œuvre ou de la vie de Pierre Loti.

De plus, un site internet spécifiquement dédié à la maison et au projet de rénovation du musée devrait voir le jour à la fin de l’année 2012.

 

Et enfin un point très important, il s’agit de lancer début 2013, une « démarche mécénat » dont un des éléments clé sera la création d’un fonds de dotation permettant de récolter de l’argent afin de soutenir les travaux de restauration des collections et du bâtiment. Ce dispositif créé en 2008[3], inspiré du modèle de la fondation, propose un fonctionnement basé sur la création d’une personne morale à part entière et permettant la souplesse d’une association avec une détermination libre de la finalité de la structure (rénovation de la Maison Pierre Loti). Le fonds de dotation offre la possibilité de thésauriser et d’affecter les dons à la finalité de l’objet de la structure (avec des délais non figés dans le temps). La Ville de Rochefort mettra donc en place une « stratégie mécénat » par le biais d’une communication adaptée (site Internet, réunions d’informations, supports écrits…) et d’un travail de recherche de dons.

 

Voilà donc où nous en sommes aujourd’hui à travers le détail des études réalisées, en cours de réalisation ou encore à conduire, à travers également le descriptif du travail scientifique que nous menons et les actions que nous imaginons une fois le musée fermé au public

 

 

David Bodin

Adjoint au conservateur des musées municipaux de Rochefort


 

[1] Les deux musées municipaux de Rochefort, la Maison de Pierre Loti et le musée d’Art et d’Histoire sont labélisés « Musées de France » par l’Etat depuis la loi du 4 janvier 2002.

[2] Renseignement et programme complet disponible à l’accueil de l’Hôtel Hèbre de Saint-Clément ou en téléchargement sur le site de la Ville de Rochefort (www.ville-rochefort.fr)

[3] Loi de modernisation de l’économie n°2008-776 du 4 août 2008